L’hydraulique est une énergie très dépendante de la reconstitution du manteau neigeux dans les montagnes, de la fonte des glaces ou encore du niveau des cours d’eau. En période de sécheresse ou une absence de neige, les barrages ne sont plus rechargés.
« La production hydraulique a atteint son plus bas niveau (49,7 TWh) depuis 1976 en raison des conditions climatiques exceptionnellement chaudes et sèches », le gestionnaire du réseau électrique français », RTE (gestionnaire du réseau électrique français)
L’hydraulique occupe une place de choix dans le mix énergétique français. En 2021, elle représentait 62,5 TWh, soit 12 % de la production totale d’électricité. Elle n’émet pas de gaz à effet de serre, est utilisable rapidement et aussi une énergie renouvelable très économique à long terme. L’hydroélectricité a aussi servi de roue de secours face aux pics de consommation fin 2022, alors que la production d’énergie nucléaire était elle aussi au plus bas en raison d’une maintenance d’une partie du parc nucléaire.

La dernière des programmations pluriannuelles de l’énergie française (PPE), adoptée en 2020 pour la période 2019-2028 s’est fixée pour objectif d’augmenter le parc de l’ordre de 200 MW d’ici 2023 et de 900 à 1 200 MW d’ici 2028. On ne sait pas actuellement si ces objectifs seront tenus pour l’hydraulique, contrairement aux énergies éolienne et solaire. Les technologies solaires et éoliennes devenant plus abordables en tant que méthodes de production d’énergie renouvelable, la croissance de l’hydroélectricité devrait se contracter de plus de 20 % au niveau mondial d’ici 2030
Des barrages controversés
Pour lutter contre les sécheresses, le stockage de l’eau est souvent prôné comme une solution. L’idée est de faire des réserves avec l’eau disponible en périodes pluvieuses (hiver) afin d’en conserver pour des usages ultérieurs (en été). En stockant de l’eau durant les périodes d’abondance pour en favoriser l’usage lors des périodes de basses eaux, les retenues permettent de réduire l’impact de nombreuses crues et sécheresses. Cette efficacité est toutefois limitée aux événements peu intenses. De nombreuses études montrent que l’efficacité des barrages est très réduite pour les sécheresses longues (comme, par exemple, dans la péninsule ibérique, en Autriche ou aux États-Unis).
La sécheresse prolongée en Europe, qui a vu des fleuves comme la Loire en France, le Rhin en Allemagne et le Pô en Italie se vider brusquement, a eu d’importances conséquences économiques pour la navigation et d’autres activités industrielles. Ce phénomène semble avoir révélé les limites de la capacité des barrages à atténuer les pénuries d’eau, l’Europe étant le continent avec le plus de barrages au monde.
Les détracteurs des barrages soutiennent qu’ils font plus de mal que de bien en abordant l’impact négatif sur la biodiversité et les écosystèmes fluviaux. De nombreux scientifiques affirment qu’ils pourraient aggraver les inondations et les sécheresses. Des études montrant que, bien souvent, les réservoirs créés par les barrages émettent des gaz à effet de serre bien plus nocifs qu’on ne le pensait auparavant. Certaines installations pouvant même être comparées à celles qui utilisent des combustibles fossiles car la végétation inondée en décomposition sous les réservoirs derrière les barrages produit de grandes quantités de méthane, un gaz à effet de serre au moins vingt-cinq fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Les bénéfices des barrages en termes d’écologie sont exagérés : les grandes quantités de béton utilisées pour construire les grands barrages ont une énorme empreinte carbone.
La construction des barages a fait croire à une eau et une électricité en abondance et continuellement disponible. La demande en eau des différents acteurs économiques a créé une pénurie liée à la trop forte croissance de leurs besoins par rapport aux ressources réelles, qui elles, sont en diminution constante. Idem pour la production électrique qui, majoritairement nucléaire et hydraulique en France depuis les années 80, a bien fonctionné dans une économie de croissance envisagée comme sans limites mais ces énergies, pour les années qui viennent, vont avoir une dépendance majeure à l’eau et à ses quantités disponibles tout au long de l’année. Nous allons devoir utiliser ce précieux sésame avec intelligence et en prioriser l’utilisation vers les besoins alimentaires et vitaux. Concernant la demande en électricité, l’offre devenant de plus sensible à la fois pour des problèmes liés aux quantités d’eau disponibles et aux émissions de gaz à effet de serre qui devront être fortement réduites, celle-ci va aussi devoir être gérée avec parcimonie pour répondre elle aussi aux besoins essentiels humains.
A. Mabden / Pigraï’Flair – La culture a du sens / 3 Mai 2023