Alandra avait perdu ce don si précieux qui faisait d’elle un être si rayonnant et si beau quand elle l’exprimait. Elle avait endossé la tête du désespoir. Son dos ne la portait plus. Ses yeux avaient plongé vers le vide laissant son corps sans âme, abandonné à l’attraction de la chute fatale. Le choc puis la colère l’avaient noyée dans la résignation. Impossible pourtant de faire le deuil de ce lieu qui l’avait vu naître. Il était le témoin d’une vie passée enchanteresse, foisonnante, luxuriante avec ses baies, ses fruits, ses torrents, ses rivières, ses bruissements, ses chants, ses cris d’enfants.
Depuis les hauteurs, elle observait ce qui était devenu un immense désert noir. La fumée lui prenait la gorge et lui piquait les yeux. Elle pleura les dernières larmes de son puits intérieur et s’installa longtemps dans le silence, seul refuge dans ce chaos.
Elle ne comprenait plus le contresens de ceux qui s’appellent les « humains » qui détruisaient le berceau de leurs origines pour y faire pousser du sucre et de la palme d’ »or ».
Ceux là, priant les dieux d’argent, avaient transformé ce lieu en enfer, tout en creusant leur propre tombeau. Certes, la jungle était pour eux et depuis longtemps un piège, le lieu de tous les dangers, la négation de la civilisation et du destin divin mais des petits hommes habitaient pourtant ici depuis des siècles en harmonie avec ce que les gens des villes appelaient la nature. Ils vivaient simplement, lentement, modestement, sans arrogance. La seule loi était l’entraide, le partage, la bienveillance, l’affutage des sens et des outils. Les seules horloges étaient la course du soleil, la lumière des lunes et le blanchiment des corps. La mort n’était pas la fin mais le début d’un nouveau cycle pour les suivants.
Alandra aperçut de loin en contrebas une tribu qui fuyait. Leur chef avait la tête couverte de plumes aux couleurs flamboyantes. Il leva les yeux vers le ciel, implorant l’univers de lui donner de la force, à lui et sa famille. Son regard de pluie cherchait du bleu vers la cime du dernier arbre debout. Ses yeux vifs pointèrent vers un petit être de plumes qui le fixait depuis sa branche.
Alandra redressa alors sa fierté, gonfla sa poitrine et ouvrit ses ailes. Elle entama pour lui et sa tribu son plus beau chant, ce don si précieux que la nature lui avait transmis. Il résonna dans toute la forêt encore vierge d’ « humanité » et se fit entendre à des kilomètres à la ronde. Un immense bruissement se fit soudain entendre. Des milliers d’oiseaux étaient suspendus au dessus de la sylve répondant à son signal de renaissance.
Alandra (*) regarda une dernière fois le petit homme qui lui sourit en essuyant l’eau de ses joues. Elle se déploya de tout son arc et pris son envol vers le ciel de l’espoir.
©Alan Mabden / Mercredi 4 Janvier / tous droits réservés
(*) Alandra, nom espagnol signifiant « protecteur de l’humanité » est un choix de prénom de fille populaire au Brésil avec sa sonorité unique et ses options de surnom illimitées.
Photo de l’article (AFP/Paul Ellis) : Depuis son discours coup-de-poing à la COP26 de Glasgow, Txai Surui, la jeune activiste de 24 ans, membre de la tribu Paiter Surui, poursuit le combat pour l’environnement, à la suite de ses parents et du vieux chef Raoni. Lors de la COP26, en novembre 2021, à Glasgow en Écosse, Txai Surui a zébré son visage juvénile d’essence de génipa, un arbre tropical, revêtu la coiffe de plumes des guerriers de son clan, et enfilé deux colliers…
Un récit porteur d’espoir.
Merci Alan ❤
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Merci Laurence
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Très beau Alan bises
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Merci Cécile 🌈
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❤️❤️❤️
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Merci ❤️
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