Les réseaux sociaux nous poussent à la représentation perpétuelle et l’apathie nous gagne au point de nous faire oublier qui nous sommes. Tempest crie l’urgence de nous reconnecter. À nous-mêmes, aux autres, à la réalité, pour que jaillisse l’étincelle vitale de la création.
Petit livre mais grand par son contenu, Connexion est d’une lecture très abordable. Cet ouvrage est à mettre entre toutes les mains, ados ou adultes. Kae par ses expériences (parfois décapantes;) a connu de nombreuses montées et de nombreuses descentes. Elle a vécu la rue, vu des gens magnifiques mourir dans l’indifférence la plus totale. Elle fait un portrait sans complaisance de cette société des apparences qui voudrait nous assimiler dans son modèle destructeur et nous incite à aller aux delà de nos différences (apparentes!) pour nous relier au moyen de connections multiples par la créativité, pas celle de l’art snob, mais celle qui nous relie profondément aux autres. Connexion est un manifeste autobiographique en faveur du rôle primordial joué par l’empathie.
Ala Mabden / PigraïFlair-la Culture a du sens / Salmedi 11 Juin 2022
Ce livre n’est pourtant pas un guide ni un enième objet de développement personnel mais plutôt une incitation à vivre de façon authentique et créative pour passer de l’apathie qui nous ronge à nous relier (en référence à Young) à l’esprit des profondeurs qui voit l’âme. Cela passe par des expériences multiples qu’il faut prendre comme elles viennent, s’en nourrir ou les éviter à l’avenir sans jugement.
Si au fil de la lecture, Kae nous parle de ses références culturelles comme William Blake (le mariage du ciel et de l’enfer, Présent et avenir)), James Baldwin, Carl Young (Le livre rouge), Barbara Ehrenreich (Le Sacre de la guerre), le sociologue Erving Goffmann (The Presentation of Self in Everyday Life), ce n’est jamais pour alimenter une pure gesticulation intellectuelle mais pour raccorder ces auteurs (trices) à sa propre expérience, à sa recherche d’identité, à sa quête de connexion véritable aux autres.
« J’ai été bookée pour l’inauguration de la boutique …. sur Bon street… Mes mots étaient parfaitement affutés, au pic de leur puissance. J’étais là, en bas de jogging, en train de marcher sur les pieds de top models, avec la sensation d’être complètement à poil et jugée par tout le monde, mais j’ai commencé à déclamer mes poèmes et à ce moment-là l’énergie ambiante a complètement changé, et la mienne aussi : chacun s’est ouvert à l’autre. Toutes les fois où j’ai franchi le seuil d’un endroit insolite avec mes poèmes à faire entendre, j’ai du affronter mes propres complexes et les a priori que je nourrissais sur les gens à qui j’allais m’adresser, ainsi que les raisons qui me poussaient à cela, et j’en ai retenu une leçon :
ce qui nous connecte pèse plus lourd que ce qui nous divise. » Kae Tempest (Connexion)
« Le regard des autres ne me définit pas. Je suis né faillible et faillible je resterai jusqu’à ma mort, comme tout le monde, quel que soit mon parcours. Le souci, c’est que j’ai navigué au gré de l’orientation des autres. Pendant ce temps, ma boussole créative rouillait gentiment et, maintenant que j’en ai désespérément besoin, elle ne fonctionne plus et je suis perdu. Il faut que je découvre qui je suis en dehors de ce que je produis, parce que mon identité n’a rien à voir avec mon potentiel créatif, mes échecs ou mes succès… »
« Dans mes premières interviews les journalistes ne manquaient pas de mentionner ma mine « angélique », mes cheveux « blonds comme les blés », ma bouille de bébé et ma fascination pour la mythologie grecque, autant de références destinées à conforter mon « adoubement » par le système. »… Si j’avais eu la peau moins blanche, si j’étais moins jeune, si je n’étais pas estampillée du label « inoffensif » est-ce qu’on m’aurait permis de dire la moitié des choses sans me taper sur les doigts? » Kae Tempest (Connexion)
« L’humanité ? OK, c’est compliqué. Mais les gens ? Oui, les gens sont beaux ! » Kay Tempest
Pigraï ' Flair / La culture a du sens 