Poésie & spoken word / Kae Tempest

Ecouter Kae c’est comme être debout, face à la tempête, au bord des falaises des Seven sisters au sud de l’Angleterre, et recevoir une pluie pénétrante de mots salés. Parfois le vent s’apaise pour nous caresser de bienveillance et d’espérance. Iel se fait désormais appeler Kae et non plus Kate car iel se considère comme une personne « non-binaire » avec l’impossibilité de se cantonner à un genre, un sexe ou un art. Une sorte de métamorphose perpétuelle, de mouvement permanent vers la créativité. Considéré.e comme l’une des grandes voix de la poésie Outre Manche, porte parole de l’art du « spoken word« , rappeur.euse, slamant sur le vers shakespearien mais aussi dramaturge et essayiste, iel pose ses mots et son regard sur notre époque.

https://youtu.be/RFwiGetII9w

Pas seulement sur cette période difficile pour les anglais nommée Brexit, mais un regard critique global sur ce monde insensé dans lequel nous vivons et sur nos (im)possibilités à nous y adapter. Elle dresse un portrait de nous à la fois lucide, non complaisant et bienveillant. Beaucoup de personnes en Angleterre la considèrent comme une des plus grandes figures de la poésie contemporaine et que ses textes devraient être enseignés à l’école. En 2013, son recueil de poésie Brand New Ancients lui vaut de recevoir le prestigieux Prix Ted Hughes. Son dernier album en date, The Book of Traps and Lessons, est produit par Rick Rubin. Tempest reçoit en 2021 le Lion d’Argent de la Biennale de Venise pour sa poésie publiée aux éditions de L’Arche.

« Avant tout, sois loyal envers toi-même ; et, aussi infailliblement que la nuit suit le jour, tu ne pourras être déloyal envers personne » Hamlet // William Shakespeare

Être ou ne pas être. Là est la question du comment vivre avec soi-même que se pose Kae dans un monde en plein effondrement climatique, social et humain. Europe is lost (l’Europe est perdue) est un constat lucide à la Orelsan, version british, de notre monde et de nos comportements. Comment, dans ce chaos humain, prendre vraiment conscience de l’esclavage dans lequel nous nous sommes enfermés, dans une course au matériel qui détruit tout sur son passage telle une boule de neige qui grossit en dévalant la pente, emportant sur son passage tous les humains vers le vide absolu. Comme dit Kae Tempest, « la machine est trop bien huilée pour pouvoir s’arrêter ». Sauf qu’une machine s’alimente avec de l’énergie humaine et s’il n’y a plus d’énergie car plus de sens alors l’humain, épuisé, prend conscience, s’arrête, pense, vit autrement en sortant de son nombril pour enfin être au delà de soi même, en relation vraie avec les autres. Merci Kae pour cette claque poétique destinée à nous réveiller. Je vous laisse découvrir ses textes.

Alan Mabden – Pigrai.com / La culture a du sens / Samedi 19 Février 2022

« Lève les yeux. Il y a de la vie là-dedans. Fais un pas de côté. Détache-toi de toi-même »

« J’ai appris toute ma vie à accorder une valeur démesurée aux biens matériels, au statut social. J’ai dû m’en défaire pour m’habituer à chérir ce qui n’apporte pas une satisfaction immédiate : les échanges anecdotiques, l’intimité sincère »

Paroles françaises de « Europe is lost »

Bio

« Toute ma vie, on m’a demandé qui j’étais. Enfant, c’était  »une fille ou un garçon ? » Plus tard, on me demandait si j’étais poète, rappeur.euse, écrivain.e … Certains étaient prêts à se battre parce qu’ils étaient frustrés de ne pas comprendre qui j’étais »

Kae Tempest  est né.e en 1985 à Brockley, dans la banlieue londonienne. Fasciné.e par les mots, iel fait dès l’âge de seize ans ses débuts dans le monde du rap et du hip hop, et interprète ses propres textes. Iel écrit aussi pour la Royal Shakespeare Compagnie et « slame » sur le vers shakespearien. Iel se fait ainsi connaître du public lors de tournées de « spoken word » avant de commencer à écrire du théâtre, puis un roman. Iel mène tout à la fois une carrière de chanteur.euse et d’écrivain.e. Après le succès de Everybody Down en 2014, une fable moderne qui parle de tragédie et de rédemption, iel a enregistré Let Them Eat Chaos, un album sorti en octobre 2016.

Son premier roman, Écoute la ville tomber, a connu un succès retentissant dans le monde entier et l’a imposé.e comme une voix majeure de la scène littéraire d’aujourd’hui.

Becky, Harry, Leon. Ils sont jeunes, hésitent entre le cynisme et le besoin éperdu d’utopie. Chacun a des rêves, des aspirations, que la ville nourrit et feint d’encourager pour mieux les broyer.
Ce roman résonne des bruits et du rythme de notre époque, dans la prose incandescente de Kate Tempest, star du hip-hop, poétesse et artiste déjà légendaire à 30 ans à peine, admirée par Virginie Despentes, Lola Lafon ou Don DeLillo.

« La voix unique de notre époque »

The New York Times

https://youtu.be/aRULtXn6W0s

Extrait traduit de People’s Faces

(les visages des autres)

…Était-ce un moment historique charnière que nous venons de traverser en trébuchant?

Eh bien, nous sommes ici, dansant dans l’obscurité grondante

Alors viens un peu plus près, donne moi quelque chose à saisir

Donne-moi ton beau cœur en ruine

Une autre catastrophe, la catharsis

Un autre mirage à moitié abandonné

Un autre masque glisse

J’affronte le physique

Ma tête résonne de l’amour des étoiles

Il y a trop de prétention ici

Trop dépend des salaires fragiles

Et des loyers exorbitants ici

Nous travaillons chaque jour redoutable qui nous est donné

Avoir l’impression que la personne que les gens rencontrent n’est vraiment pas nous

Comme si nous allions plier sous le problème

Comme à chaque minute maintenant, la lutte va nous achever

Et puis on sourit à tous nos amis [Refrain]

C’est dur, nous avons la tête baissée et nos hérissons relevés

Nos dos contre le mur, je peux te sentir endolori

Rien de tout cela n’était gravé dans la pierre

Il n’y a rien qu’on nous interdit de savoir

Et je peux sentir les choses changer

Même quand je suis faible et que je craque

Je resterai à pleurer à la gare

Parce que je peux voir vos visages

Il y a tellement de paix à trouver sur les visages des gens…

« Toutes les divinités résident dans le cœur des hommes » William Blake

« Les Nouveaux Anciens », Editions anglaises Picador, en 2013, traduction française par D’Kabal et Louis Bartlett en 2017 à L’Arche, maison d’édition française

« Les nouveaux anciens » met en scène des histoires d’amour et de haine, de peur et de dépassement de soi, de suiveurs, de victimes et de bourreaux, souvent au sein de mêmes personnes. Une histoire d’êtres humains, en sorte.

https://youtu.be/JLWlB3ib7ZM

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