« Spirit & le fugitif » / E.4 / Cap sur l’engagement / Jersey et Herm

Voici la suite de la fiction que j’ai démarré pendant le confinement (cartes postales virtuelles). Elle aborde le voyage d’un marin, messager spécial, vers le grand nord. Bonne lecture. Alan

Toute ressemblance avec des personnes ayant existé ou encore existantes est purement fortuite

Dès le lendemain matin, je reçois un court message de la part de Jo sur ma boite mail sécurisée m’invitant à rester encore deux jours sur Chausey et à être attentif aux messages. J’en profite pour re-checker la liste de mes besoins matériels et affiner mon prochain parcours maritime. Ma prochaine étape se situera à Cherbourg. C’est là que je chargerai le matériel que j’ai commandé pour augmenter mon indispensable autonomie électrique et ma sécurité. Saint Vaast la Hougue sera ma dernière escale avant mon départ pour l’Angleterre et le mythique port de Brighton ou je resterais une bonne dizaine de jours.

Quelques heures plus tard, je reçois ce message : 49 15.13N 2 6.95W . Jo m’envoie une position sur la carte. Il s’agit sans doute d’un point de rendez-vous situé au milieu nord de Jersey, à l’exacte opposé de Saint Hélier, près de La crête Fort et Giffard Bay. Je reçois plus tard un mail avec une date et un horaire précis. C’est demain, au petit matin. Jo a bien étudié la météo. Les vents et les courants sont favorables pour sortir de Chausey et rejoindre Jersey qui devient dans ma tête l’île mystérieuse. En ce mois de Juillet, les conditions d’entrée sur l’île, en raison de cette période de covid, sont draconiennes et plusieurs plaisanciers ont du rester en quarantaine. Il s’agira donc d’un simple point de passage avant de tracer vers le Nord-Est.

Après une petite mais vigilante navigation de nuit, j’arrive à « Bonne nuit Bay » à 4 heures et 15 mn précises. Une petite barque de pêche vient à ma rencontre. Une femme, seule à bord, m’envoie un bout que je récupère. Elle lance un bidon étanche par dessus bord et sans dire un mot me fait signe de partir au plus vite. Je récupère l’objet flottant et le hisse à dans le cockpit. Je remets les gaz et pars vers le large. Je verrai plus tard le contenu de ce mystérieux colis.

Cap sur Herm, plus au Nord, ancrée à l’est de Guernesey. Située au milieu de l’archipel, c’est la plus petite des îles anglo-normandes. Pas de voiture ni de radio, mais des plages idylliques qui rappellent, par beau temps, les Caraïbes. Loin du stress de la vie actuelle, cette île est le lieu parfait pour savourer le calme et la tranquillité et donc le lieu idéal pour ouvrir la fameuse boite secrète, loin des regards.

Herm, île anglo-normande, par temps clément.

C’est ici, en ce matin calme, dans ce cadre paradisiaque, que je décide de mouiller en bordure de plage à l’abri du vent. Là, face au soleil naissant, je savoure mon deuxième café de la matinée et déguste en même temps ce merveilleux instant présent qui donne du sens à ma vie et me conforte dans un choix de vie nomade, autonome, en lien avec les éléments naturels. « Simplement être, just be », telle est ma devise désormais, loin de la ville, du bruit, de son faux rythme et du stress.

J’ouvre ce mystérieux bidon étanche. A l’intérieur, je découvre une enveloppe dans un sachet plastique, une étoile de mer et une petite sculpture en bois gravé.

J’ouvre le courrier qui m’est adressé. Il est signé par Alejandra et m’a été transmis par Jo via une « vieille » connaissance installée sur Jersey. Le texte me fait prendre connaissance du fonctionnement de l’organisation qu’elle m’invite à rejoindre après une mure réflexion. Par cette lettre, à détruire impérativement par le feu après lecture, Alejandra m’indique la raison d’être de cette association. Permettre d’agir au plus vite face au défi climatique à relever en mettant en place des stratégies pour changer la gouvernance mondiale. Il s’agit d’un réseau pacifique et citoyen qui fédère des personnes aux compétences diverses (juristes, climatologues, stratèges, informaticiens, journalistes,…). J’ai rencontré, sans le savoir des hommes et des femmes appartenant à cette toile lors de mon passage à Belle île. Ces gens fonctionnent le plus possible loin de l’internet et des téléphones, préférant, pour des raisons de sécurité et de discrétion, agir à l’ancienne sur un principe d’échange d’objets gravés avec une signalétique codée. Je découvre par ses mots le sens de l’engagement de mon amie, qui agit actuellement au Chili, pour la mise en place d’une constituante démocratique. Un défi à relever, une nouvelle résistance qui s’installe semblable à celle que le monde a connu pendant la deuxième guerre mondiale. Depuis cette terrible époque le monde s’est « pacifié » un temps mais seulement en apparence. L’appétit du monde industriel a violemment transformé le monde en un objet de production illimité, engendrant un épuisement des ressources, une augmentation planétaire des émissions de gaz à effets de serre et par voie de conséquence le réchauffement climatique en cours et son impact potentiellement catastrophique sur la biodiversité et l’avenir des humains sur cette planète. Tout les spécialistes, les médias reviennent depuis plus de vingt ans sur l’urgence des décisions à prendre mais les politiques et les grands groupes industriels ( à de rares exceptions près) n’arrivent pas à sortir du schéma de croissance sans fin, malgré les différents sommets du climat. C’est donc au cœur du système décisionnel qu’il faut agir et aussi au niveau des consciences, pour aider la population à sortir de cette consommation effrénée de produits inutiles et dévastateurs pour la santé des humains comme pour celle de la planète, pour s’engager vers une nouvelle agriculture mondiale respectant le sol, la biodiversité, les animaux et les humains, pour un rythme plus lent afin d’apaiser les esprits et retrouver du temps pour soi et pour les autres.

Bien calé sur le balcon avant de « Spirit », le dos au vent, je sors mon briquet-tempête et allume un feu. Je vois la destruction d’une page en ouvrant une autre, le passage d’un vieux monde à une quête d’espérance. je signe l’incendie de mon impuissance face aux évènements. J’écris et je signe mon engagement, celui d’un messager, d’un transmetteur.

©Alan Mabden / Lundi 4 Octobre / Tous droits réservés

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5 commentaires

  1. Waw, super ce texte qui nous fait nous évader. Je t’envie. Euh, non, même pas, c’est juste que j’aimerais y être.
    Mais moi tout, Alan: c’est toi, n’est-ce pas ?
    Oui, je sais, j’ai pas mal d’épisodes à rattraper. Ça va se faire…
    En tout cas, elles sont belles tes photos. Ça fait rêver tout ça.
    Douce soirée à toi. Bisous. A très vite.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci Solène pour ton commentaire enthousiaste ;). Oui il y a de moi là dedans. Des expériences de navigation du passé, des iles de Bretagne ou j’ai vraiment navigué. Il y aussi mon très vif intérêt pour l’écologie et l’humanité. Et puis il y a Jo, Alejandra, des personnages qui dont venus pointer leur nez au fil de l’écriture et qui m’emmènent… en bateau. Ce sont eux et le fugitif que j’incarne virtuellement et mon p…. d’insconscient qui font le travail à ma place. Je ne suis que leur relais.
      Peut-être liras tu les autres épisodes. Mais je suis comme toi, un boulimique de l’écriture. Alors pour les autres, dur dur de suivre ce rythme. Par exemple moi j’arrive pas à tout lire de toi. Tu vas trop vite pour moi 😉 même si j’aime ce que tu fée;)
      Belle nuit touyou and siou letter.

      J’aime

  2. Bravo Alan pour cette excellente suite à ton feuilleton. J’aime beaucoup, c’est à la fois bien écrit et agréablement intriguant.
    Le bouquet final de l’épisode est génial,  » Je vois la destruction d’une page en ouvrant une autre, le passage d’un vieux monde à une quête d’espérance. je signe l’incendie de mon impuissance face aux évènements. J’écris et je signe mon engagement, celui d’un messager, d’un transmetteur. » C’est du grand art, j’ai adoré. Vivement la suite de ce récit.
    Excellente journée à toi

    Ben

    Aimé par 1 personne

    1. Merci encore Ben. Je suis moi-même intrigué par ce que j’écris ;). Je te remercie pour ta belle appréciation de la fin de cet épisode. Les mots sont venus tout seuls. J’avais besoin de signer ce passage à ma façon. Je ne connais pas encore la suite du récit et cela m’excite beaucoup. C’est le côté stimulant de l’écriture. Laisser les mots venir, laisser l’inconscient agir, l’imaginaire associer des choses imprévues…
      A bientôt en Angleterre cher Ben dans le mythique port de Brighton 😉
      Merci à toi!
      Alan

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