Cornélius Castoriadis est un auteur majeur à connaître absolument en 2022. Philsophe, sociologue, économiste et psychanalyste de profession, révolutionnaire revendiqué jusqu’à son dernier souffle, ce grec devenu français a loué toute sa vie à l’autonomie, celle qu’il faut apprendre et arracher « aux oligarchies bureaucratiques, managériales et financières » pour instaurer avec le concours de la grande masse des citoyens une société auto-organisée, frugale, écologique et enfin démocratique. Je vous joins en bas de ce post une vidéo courte (7mn) très intéressante où Castoriadis explique sa conception de la démocratie et en quoi la démocratie « moderne » dite « représentative » telle que nous la connaissons est une aliénation collective. La pensée de cet homme est fondamentale et gagne à être connue et diffusée. Son parcours est atypique et unique à mon sens.
Alan Mabden / Pigrai.com / la culture a du sens – Dimanche 9 Mai 2021
« Il faut que des changements profonds aient lieu dans l’organisation psychosociale de l’homme occidental, dans son attitude à l’égard de la vie, bref dans son imaginaire. » C.Castoriadis

« Ainsi l’Occident se pensait et se proposait comme modèle pour l’ensemble du monde.« . C.Castoriadis
Castoriadis & l’écologie

Scandalisé par le saccage de la planète, Castoriadis pensait que les hommes, aujourd’hui, devraient en être les jardiniers. La cultiver pour espérer donner un sens à leur existence. L’imposture de l’économie de croissance et de développement est sévèrement dénoncée. Le développement comme le progrès, l’expansion sont, aux yeux de Castoriadis, des propriétés spécifiques des sociétés occidentales. En raison du culte de l’exploit scientifique propice à l’autonomisation de la technoscience, laquelle se moque des véritables besoins humains, il s’interroge sur le progrès du savoir scientifique.
« L’écologie est subversive, car elle met en question l’imaginaire capitaliste qui domine la planète. Elle en récuse le motif central selon lequel notre destin est d’augmenter sans cesse la production et la consommation. Elle montre l’impact catastrophique de la logique capitaliste sur l’environnement naturel et sur la vie des êtres humains. » C.Castoriadis
« L’écologie peut très bien être intégrée dans une idéologie néo-fasciste. Face à une catastrophe écologique mondiale, par exemple, on voit très bien des régimes autoritaires imposant des restrictions draconiennes à une population affolée et apathique. L’insertion de la composante écologique dans un projet politique démocratique radical est indispensable...Et elle est d’autant plus impérative que la remise en cause des valeurs et des orientations de la société actuelle, impliquée par un tel projet est indissociable de la critique de l’imaginaire du « développement » sur lequel nous vivons. » C.Castoriadis

La psychanalyse pour l’autonomie de la pensée

Intéressé puis passionné par l’œuvre de Freud, il fréquente les milieux psychanalytiques de Paris, et entreprend, dans les années soixante, une analyse. Le passage par la psychanalyse ne répond pas exclusivement à une motivation personnelle. Il s’en saisit également pour remettre en cause l’édifice théorique de Marx. Ce double processus lui permettra de redécouvrir l’importance de l’imagination chez l’individu ainsi que celle de l’imaginaire social et historique, élément fondateur des institutions indispensables aux sociétés humaines.
Dès lors, la psychanalyse contribuera à l’émergence de l’autonomie de la pensée et subséquemment de l’autonomie en politique. Selon Castoriadis, une psychanalyse bien comprise permet à l’individu de tenter l’organisation d’une vie personnelle plus libre, plus autonome, c’est-à-dire une vie qui se donne à elle-même ses propres lois (autos nomos).
En l’absence d’une cure psychanalytique collective, c’est une véritable paidéia, une éducation désinstrumentalisée, aux vertus morales nécessaires à l’exercice de la citoyenneté, une éducation « pour l’autonomie, vers l’autonomie« , éloignée « des âneries diffusées par la télévision« , qui conduira l’individu à s’interroger sur le sens de son action, sans céder à la passion ou au préjugé. En clair, émanciper l’être humain sans l’émanciper de la société.
L’éclosion de la démocratie directe se réalisera donc sous l’impulsion conjuguée de l’autonomie individuelle et de l’autonomie collective. Pour Castoriadis, la démocratie représentative, à l’origine d’une regrettable apathie politique d’un nombre grandissant d’électeurs, est un oxymore. Le gouvernant ne s’éloigne-t-il pas du gouverné ?
Ainsi, l’autonomie individuelle et collective, l’autogestion, omniprésentes dans le dispositif de Cornélius Castoriadis, doivent favoriser la revitalisation de la démocratie locale chère aux objecteurs de croissance.
Biographie
Cornélius Castoriadis est né en 1922 à Istanbul, passe son enfance à Athènes, s’engage très jeune dans le mouvement communiste et gagne la France en décembre 1945. Il fut philosophe, sociologue, économiste et psychanalyste. Il décédera à Paris en 1997.

Ce grec en marge plus qu’en exil, a traversé le vingtième siècle en prenant des chemins de traverse. Une pensée qui n’adhère pas à un parcours académique classique, une carrière tout en rebondissements : résistant trotskiste en Grèce jusqu’en 1946, fondateur du groupe révolutionnaire Socialisme ou Barbarie en 1948, économiste à l’OCDE jusqu’en 1970, philosophe, directeur d’études à l’EHESS en 1980, psychanalyste, mélomane par sa mère pianiste.
Accomplissant lui-même l’autonomie qu’il souhaitait pour tous, ce démocrate plaça sa vie sous le signe de l’engagement, son œuvre sous le signe de la création. Dévorant la vie avec appétit, il ne fut pas qu’une pensée, et ses textes, sous la forme de fragments partant toujours de l’expérience et de l’actualité, révèlent encore aujourd’hui, à ceux qui le découvrent, le caractère malicieux, résolu, charismatique, de cet éternel bâtisseur de ponts.
Marxiste avec ou contre Marx, longtemps son engagement fut suspecté de contradiction voire d’échec. Il aura fallut du temps pour qu’apparaisse la cohérence d’une trajectoire qui se sédimente brique par brique.
« Ce que j’estimais beaucoup dans l’action de Cornelius Castoriadis dans son groupe « Socialisme ou Barbarie », c’est qu’il était extrêmement lucide dans sa critique de l’Union Soviétique, une pensée qui allait beaucoup plus loin que celle de Trostki. Pour lui et Claude Lefort, c’était un Etat qui n’avait rien de socialiste, qu’ils appelaient alors bureaucratie. On était tout à fait en dehors des courants dominants dans le monde intellectuel de l’époque, ce qui a renforcé notre fraternité. » Edgar Morin

Sources pour aller plus loin

L’individu privatisé :
https://www.monde-diplomatique.fr/1998/02/CASTORIADIS/3528
Cornélius Castoriadis penseur de l’écologie :
http://www.zones-subversives.com/2021/03/cornelius-castoriadis-penseur-de-l-ecologie.html
Castoriadis, philosophe de l’autonomie et précurseur de la décroissance :
https://reporterre.net/Castoriadis-philosophe-de-l-autonomie-et-precurseur-de-la-decroissance
L’abécédaire de Cornelius Castoriadis :
https://www.revue-ballast.fr/labecedaire-de-cornelius-castoriadis/
Cornelius CASTORIADIS : les fondements du capitalisme (3/4)
Assurément un précurseur à étudier. Merci Alan pour ce dossier très complet. Il y a là une pensée vivante dont on ferait bien de s’emparer si on ne veut pas subir de nouvelles catastrophes. C’est tout le système de désignation des élites qui est en crise. Les vidéos sont très intéressantes.
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Merci à toi pour ce retour. Le processus démocratique est en crise grave et le pouvoir tente actuellement de tout verrouiller en manipulant l’opinion par des médias mainstream qui appartiennent à des industriels qui ont intérêt à vendre de la pub pour nous faire consommer des choses inutiles voire nuisibles pour la santé et l’environnement.
La difficulté est de reprendre la main par un processus démocratique citoyen. Tout est fait pour discréditer cette pensée. Heureusement de nouveaux medias naissent actuellement pour mettre en avant ce type de process. Après la question est: qui aura vraiment les manettes?
Bonne fin de semaine à toi.
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bravo Alan pour ce focus sur ce personnage qu’on serait bien avisé de connaitre et d’ étudier. je vais si tu le permets ( en te citant bien sur) utiliser ton article pour un petit topo sur l ent de mon lycée
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Hello Cécile!
Yes you can! Il faut planter des graines d’autonomie et de démocratie dans les lycées.
Merci à toi
Bonne journée avec du sun
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Salut Alan, cet homme a complètement raison. Merci de nous le faire découvrir.
Le problème c’est que la majorité de la population souhaite apparemment conserver ce modèle de société pseudo-démocratique dans lequel d’autres prennent les responsabilités à notre place, et où « tout » le confort de vie nous est offert tant que nous donnons gentiment la patte.
En d’autre terme il existe une zone de confort dans le concept actuel de démocratie que peu de gens sont prêt à remettre en question.
D’autre part, les dirigeants brandissent systématiquement le spectre de l’anarchie dès que le peuple souhaite s’impliquer dans les décisions politiques. Ceci nous laisse croire que sans chef tout puissant nous serions capables de rien sauf de nous entretuer.
Nos dirigeants ont malheureusement encore de beaux jours devant eux pour pourrir les nôtres.
Nous sommes pris dans beaucoup de dogmes et il sera très compliqué de s’en dépêtrer. L’école y est pour beaucoup car c’est une institution qui est faites pour nous conditionner et nous imposer le respect de l’ordre établi. On apprend aux enfants à marcher dans les pas de ce qui existe déjà, et à surtout ne rien changer. Ce serait trop compliqué, et puis vous comprenez les enfants, si un meilleur système existait, on le saurait!
D’ailleurs, je ne pense pas me tromper si je dis que Cornélius n’est probablement pas au programme de philo. ça ferait désordre!
Je te souhaite un beau week-end
Ben
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Oui. Comme tu l’écris, c’est vrai que c’est compliqué de changer tout ça. Je suis de près ce qui se passe au Chili, ce que va devenir cette constituante menée par des citoyens. Là bas, les femmes sont très actives dans le processus (et pour cause!). Pour moi, comme souvent dans les révolutions, ça va avancer quand les femmes vont vraiment d’y mettre. Il va falloir mettre fin au machisme et au pouvoir dominé par des hommes pour qui le pouvoir va de pair avec égo et statut social. Ce pouvoir est d’ailleurs maintenu par la force et les armes, une autre vertu masculine;). La compétition aussi d’ailleurs…
Comme le dis Castoriadis, il faut changer complètement d’imaginaire pour évoluer positivement et c’est…possible!
Commencer par se changer…les idées;). Il y a du pain sur la planche mais c’est 7n beau combat que de deformater des individus pour les amener à envisager ine vie collective differente. De toutes façons il faudra changer. Nous n’avons plus le choix. Seul une minorité archaïque s’accroche à des comportements du passé.
Bien à toi
Merci pour ton commentaire
Alan
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