Fauque & Bashung / Poésies Doubles

« Sommes nous » est le titre d’une chanson créé par le duo Fauque-Bashung. Ils « sommes » un duo immortel, « Sommes nous de connivence »? Deux cahiers à spirales qui se rencontrent, se croisent dans l’inconscient pour un montage, un collage d’images, une histoire à double, à triple, à multiple sens. Alain Bashung et Jean Fauque sont des héritiers du mouvement surréaliste, deux frères poètes, une poésie à deux têtes, hybride, géniale, doublée d’une musique hypnotique, envoûtante, qui agit comme une drogue, une substance rare qui reste dans les veines comme une encre indélébile et magique. Une œuvre immense à re-découvrir et à tenter de décrypter.

Alan Mabden / Pigrai Flair

La création d’Alain et Jean est immense et profonde. Deux jongleurs qui lancent des mots dans le ciel de chaque inconscient, propre à chacun. Il y a souvent un double sens à chacun de ses textes. « Ma petite entreprise » évoque à la fois la vie des artisans et la propre sexualité de Bashung. « La nuit je mens » parle de la résistance pendant la seconde guerre mondiale mais aussi de sa vie de couple et de ses relations amoureuses. Tout cela crée un mystère, des énigmes à déchiffrer et de multiples possibilités d’interprétation pour chaque personne qui écoute. Cette poésie est chantée et mise en musique d’une manière, elle aussi créative et novatrice. L’album « Fantaisie militaire » au départ ne m’a pas accroché musicalement car je l’écoutais d’un œil distrait… Une fois le casque posé sur les oreilles, ce fut une drogue, envahi que j’étais par le mystère de ces mots et de cette musique, une musique pas si évidente au départ mais qui le devient, tellement elle colle au texte.

Alain Bashung et Jean Fauque

« La nuit je mens », histoire de mensonges et mensonges de l’histoire

Il semble qu’Alain Bashung lui-même parlait d’un homme qui, au sortir de la seconde guerre mondiale, se faisait passer pour un résistant alors qu’il ne l’était pas. « On m’a vu dans le Vercors », est à la fois une allusion à ce haut lieu de la résistance française pendant la seconde guerre mondiale mais aussi au Silence de la mer, le livre de Vercors (Editions Minuits clandestines) qui raconte un huis clos autour de l’occupation. La station balnéaire, histoire d’Ô ou d’eau est une allusion à Vichy et son histoire trouble (« Pour un peu je trempais »). « j’ai fait la cour à des murènes« évoque lui le danger de l’activité clandestine mais pas seulement…

Groupe de combattants, maquisards et tirailleurs, à Valchevrière. Juin 1944.

Alain se présentait comme un militaire dans son combat amoureux et contre la maladie. Le titre de la chanson parle aussi de mensonge en amour. Bashung est en plein divorce et s’adresse sans doute à sa femme perdue. Ce combat en amour ressemble à cette lutte à mort d’un résistant dans une guerre passée. Tout se télescope, les mots de Jean sur la résistance dans le vercors avec la vie privée d’Alain. Fauque disait que Bashung faisait son marché dans les mots amenés par lui dans son cahier. Lutte de mots, ratures, collages à la virgule près et un résultat inattendu, magique, improbable qui parle à notre héritage, notre inconscient collectif.

https://youtu.be/EPSZIKx9e9w


La nuit je mens est une allusion directe au Silence de la mer, le livre de Vercors (Editions Minuits clandestines) qui raconte un huis clos autour de l’occupation ; ce texte a été rédigé pendant la seconde guerre mondiale. Un français né dans les années 70 reconnaît encore dans le signifiant « Vercors » l’énoncé du maquis, des résistants. C’est une conversation entre un officier allemand et une jeune femme, il y a aussi un homme qui habite là depuis toujours. Sa maison est réquisitionnée. L’officier essaie de leur expliquer que les Allemands ne sont pas totalement méchants. Le vieil homme ne parlait quasiment pas ; c’était un grand-père, qui peut-être avait fait la guerre de 14, qu’il n’avait toujours pas digérée, mais la fille voyait les choses différemment, elle était à deux doigts d’aller vers les Allemands. La chanson est construite sur une ellipse, à partir du souvenir du Silence de la mer.

https://youtu.be/cN1IeIfZuxE
NPA live 1998 https://youtu.be/VnbHbJR1he4
https://youtu.be/s4Td5Vfa5x8
https://youtu.be/m8dpi-eOYvc
https://youtu.be/MSbBVhTNl9o

7 commentaires

  1. Salut Alan,
    Merci pour ton article passionnant. J’adore Alain Bashung.
    Je l’aime depuis toujours, depuis Gaby oh Gaby ( je n’étais pas vieille, ;), et j’ai encore le 45 tours ). Son univers musical est envoûtant, ce monsieur est un génie !
    Et il a toujours su s’entourer des meilleurs paroliers, en tout cas de ceux qui épousaient au mieux la profondeur de sa voix et sa palette sonore.
    Il n’y a rien à jeter chez ce grand artiste. Rien.
    Bisous Alan 😚

    Aimé par 1 personne

    1. Hello Corinne!
      J’ai toujours aimé son attitude calme, posée, douce, bienveillante.
      Bashung était et demeure une belle âme. Il doit beaucoup manquer à ceux et celles qui l’ont connu de près.
      Dans sa production, aussi variée soit-elle, comme tu le dis, il n’y a absolument rien à jeter. J’ai eu la chance de recevoir en cadeau l’intégrale avec photos glacées originales, tous les cd et quelques inédits. Un trésor.
      😚Alan

      Aimé par 1 personne

      1. Je suis heureuse pour toi que tu es un tel trésor !!
        Bashung en plus de son immense talent était un homme discret.
        Tu as vu sur France 2 ou 5 replay, il ya un très bon documentaire sur Lavilliers ?
        Bisous Alan !!!

        Aimé par 1 personne

      2. Oui c’est vrai, je suis contente même si c’est virtuel, ce sont des rendez-vous qui me font plaisir, comme je dis à mon mari « j’ai mes copains et copines de blog ! »
        tout fort 😚
        Co

        Aimé par 1 personne

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s