Sarah Bernhardt / Vivre au présent

Sarah fascinait et elle fascine encore. Une femme au caractère trempé qui ne se plaignait jamais malgré les coups du sort qu’elle rencontra. C’était une femme passionnée par la vie qui fut pour elle un véritable roman d’aventures, un traité sur le courage et l’optimisme. Elle fut une pionnière dans l’émergence d’une femme nouvelle, une femme non soumise, la première à se libérer des corsets pour se montrer une femme libre, souple, svelte. Elle était connue pour son excentricité et une vie amoureuse très libre pour son époque (Elle ne pouvait vivre sans un « Amour » à ses côtés… ). Elle manifesta  toujours énormément de respect pour les gens les plus simples, ce qui ne l’empêcha pas d’être aussi une femme d’affaires très efficace. Les arts lui étaient aussi nécessaires que l’oxygène. Elle promulgua l’Art Nouveau et le cinéma. Elle consacra sa vie entière à sa passion du théâtre qu’elle joua avec une intensité rare, mais comme cela ne lui suffisait pas, elle s’essaya à la sculpture, la peinture et la littérature. Elle fut aussi une femme engagée qui influença fortement Zola à défendre Dreyfus et qui alla jusqu’à prendre des services d’infirmière pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871 pour soigner les soldats. Une vie bien remplie qu’il m’est très difficile de résumer mais qui m’évoque celle d’une femme pour qui vivre intensément sa vie et l’instant présent est très concret. Bonne lecture et si vous voulez en savoir plus, je cite mes sources avec leurs liens en fin d’article. Merci divine Sarah et à bientôt sur Belle île 😉 (Voir mon article sur la vie de Sarah sur belle île, son paradis https://pigrai.com/2020/12/06/sarah-a-belle-ile-la-dame-blanche-au-paradis/

Alan Mabden/ Pigrai Flair-La culture a du sens/ Dimanche 6 Décembre

« La vie est courte, même pour ceux qui vivent longtemps. »

Sa vie est celle d’une femme qui démarre de ‘rien’ et qui devient mondialement adulée. La première ‘star’ de l’histoire.

L’icône du Théâtre

Sarah dans L’aiglon

Surnommée « monstre sacré », la « voix d’or », la « divine », Sarah Bernhardt a interprété plus d’une centaine de pièces, dont des rôles d’hommes. Elle a joué « Phèdre » ou « Le Cid » et a inspiré Victor Hugo, Edmond Rostand et Oscar Wilde. Elle a consacré toute sa vie à sa passion du théâtre. Elle a joué à la Comédie française mais son caractère tumultueux ne s’accordait pas avec cette institution. Elle a préféré la liberté et cela lui a permis d’interpréter certaines pièces des plus grands auteurs. Elle a connu un succès fou et fondé sa propre troupe avec laquelle elle a connu le triomphe aux Etats-Unis.

A l’époque où la télévision, le cinéma ou internet n’existaient pas, le théâtre constituait la distraction principale de nos ancêtres. Les stars du 19ème siècle étaient quasi exclusivement les acteurs qui pouvaient  maintenir à l’affiche leur représentation plus d’une centaine de fois. Sarah Bernhardt fut incontestablement la « championne toute catégorie » du monde théâtral. Aujourd’hui, il nous est très difficile de comprendre la raison de son prodigieux succès car nous ne possédons peu de traces filmées. Les quelques enregistrements que nous possédons sont décevants. Une voix chevrotante, sans doute très adaptée à la récitation de vers, mais qui lasserait très vite un auditoire contemporain.

Une  devise qui reflète son combat : « Quand même ! »

Il lui fallu huit années (1860-1868) d’art théâtral avant de connaître son premier succès. Les débuts sont très difficiles pour Sarah qui va d’échec en échec jusqu’au moment où, dans la représentation de « Kean » écrite par Alexandre Dumas, elle parvint à séduire un public essentiellement estudiantin  qui, à la fin de la soirée, lui fait une ovation comme jamais elle n’avait eu ! Nous sommes le premier février 1868 et cette date signe le début du succès de Sarah Bernhart, qui sera confirmée un peu plus tard avec la pièce « Le passant » écrite par le jeune poète François Coppée. Cette pièce n’exige que deux acteurs. Mlle Agar interprète Sylvie tandis que Sarah y joue le rôle d’un jeune troubadour florentin de 17 ans. La première de cette pièce est jouée le 14 janvier 1869 et c’est un triomphe. Sarah est acclamée et le rideau se relève huit fois. La renommée de Sarah franchit pour la première fois Paris ! Les deux actrices sont admirables mais l’intensité poétique avec laquelle Sarah récite ses vers fait mouche dans le public ! La pièce sera jouée  à l’Odéon cent cinquante fois devant une salle toujours comble. L’empereur Napoléon III obtint quant à lui  une représentation privée en son palais des Tuileries.

Entre 1871 et 1878, Sarah va consolider son succès grâce à Victor Hugo qui revient en France après 20 ans d’exil. Elle est choisie par le grand écrivain pour jouer le rôle de la reine d’Espagne dans « Ruy Blas« , une pièce de théâtre antimonarchique. Le succès de la pièce est tel que Victor Hugo finit par s’émerveiller de Sarah et en tombera amoureux ! Difficile de décrire les amours de Sarah car celle-ci n’en parlera jamais dans ses mémoires mais certaines  sources semblent suggérer qu’elle aurait souhaité donner la vie à un enfant de Victor Hugo.   

Sarah dans Britannicus

Un vent de fraîcheur et d’optimisme s’incruste progressivement dans l’âme du lecteur lorsqu’il rentre en contact avec sa biographie. Sarah aurait fait un bon « coach ». Au-delà de son excentricité, cette artiste nous donne en plusieurs chapitres un traité sur le courage et l’optimisme

« Lire ses mémoires, c’est vivre dans un tourbillon de passions et d’aventures – des flots de larmes, des tornades de rage, des maladies mortelles et une santé et une énergie incomparables, des actes de bravade imprudente , des caprices indescriptibles et énormes. La merveilleuse voix d’or, ce large éventail de beaux mouvements, reine, sinueux, terrible, séduisant, cette intensité de passion et cette douceur envoûtante ont amené des hommes et des femmes de tous degrés – des critiques professionnels aux éleveurs, des anarchistes aux rois, des hommes de plaisir aux dames puritaines – en hommage à ses pieds. « 

Nécrologie, The Times, 1923

https://youtu.be/Lj5AT1mXKw4 Ne ratez pas à 2mn la dernière anecdote qui est assez cruelle mais la façon qu’a Guitry de la raconter, avec un tel sérieux, est incroyable et la rend drôle !

« Il faut haïr très peu, car c’est très fatigant. Il faut pardonner beaucoup et ne jamais oublier que le pardon ne peut entraîner l’oubli. »

« J’avais vu le génie de Sarah, je vis son courage. Non, nous n’avons pas été bombardées, il ne s’agit pas de cela. Mais son courage d’infirme, à qui la volonté tient lieu de tout à chaque heure du jour. Nous partions vers midi en automobile, et ne rentrions que le soir fort tard. Aux haltes, le travail  et, comme loges, des réduits de hasard, avec des chaises de paille et des escabeaux de bois, l’excessive chaleur d’une tente au soleil ou l’humidité d’un coin de cave. Un moment, je me trouvai seule avec elle, et je dus l’aider dans sa toilette. Elle allait de sa chaise à la table, en s’appuyant sur moi et en sautant à cloche-pied sur son unique jambe de septuagénaire, qui avait la sécheresse d’une  patte d’oiseau sans en avoir la solidité. Et elle me disait en riant : « je fais la pintade, je fais la pintade…» L’actrice Dussane qui l’accompagne au front

Biographie

Sarah  était la fille d’une courtisane Julie Bernhardt qui habitait avec sa sœur Rosine dans un vaste appartement qui servait de « refuge » à quelques hommes hauts placés qui venaient s’y détendre. Parmi eux, le peintre Fleury, le docteur Monod, le banquier Lavolie, Camille Doucet qui était le directeur des Beaux-arts, Hippolyte Larrey, chirurgien de Napoléon III, Rossini, le duc de Morny, Alexandre Dumas père etc.…

Dans l’atmosphère feutrée de leur salon éclectique tenu par des geishas françaises le libertinage était bien sur de mise mais l’érudition, la culture tenaient une grande place dans les conversations. Pour s’amuser, il fallait savoir apprécier les poètes, commenter les derniers livres, jouer d’un instrument ou savoir chanter. Ce milieu « multiculturel » influença Sarah qui, s’aperçut très vite que, pour s’attirer des faveurs et la reconnaissance, il fallait impérativement posséder un talent, et cela dans n’importe quel domaine, du moment qu’il fût hors du commun.

Sarah et sa mère

Lorsque la petite Sarah scolarisée par les religieuses eut atteint 15 ans, sa mère réunit un « conseil de famille » auquel participa un grand personnage, le duc de Morny, grand mondain, demi-frère de Napoléon III qui était un homme d’affaire important. Il eut la bonne idée de  proposer que Sarah puisse rentrer au Conservatoire en vue d’une carrière de comédienne. Sarah s’en remit à cette décision qui lui offrait les perspectives d’une plus grande indépendance vis-à-vis de sa mère et qui la mettait à l’abri d’un mariage arrangé. Sarah, rentrée au Conservatoire, se révéla être une élève enthousiaste mais non exceptionnelle. Maigrichonne, ayant souffert d’une grave pleurésie en 1859, elle ne répondait pas aux critères de beauté de l’époque, sa voix ne portait pas très haut et elle n’était pas douée pour le chant. Malgré tout, Sarah essaya de profiter au mieux de sa formation. Ce fut encore le duc de Morny qui, après le Conservatoire, joua de son influence pour faire accepter Sarah à la Comédie-Française. Pendant deux ans, la jeune comédienne, dans les rôles qu’elle tint, ne remporta aucun succès ! Sarah connut des moments très durs  mais au prix d’un grand effort sur elle-même  ne désespéra pas.

C’est à cette époque qu’elle adopta la devise « Quand-même » qu’elle fit figurer, durant toute sa vie dans l’entête de sa correspondance. Quand la presse commença à parler d’elle ce  fut dans des circonstances peu favorables pour elle. Lors d’une cérémonie d’hommage à Molière, Sarah  avait emmené sa petite sœur Régina. Celle-ci avait malencontreusement marché sur la traîne de velours de l’opulente actrice bien connue, Mlle Nathalie. Cette dernière se montra si méchante envers la petite Regina que la frêle Sarah la défendit en giflant l’imposante Mlle Nathalie. Ce geste fit évidemment la joie des  journalistes et caricaturistes et diffusa le nom de Sarah aux quatre coins de la France!  On ne parvint pas à convaincre Sarah de s’excuser et ce fût finalement au soulagement de beaucoup que l’impétueuse comédienne  démissionna de la Comédie-Française. Sarah se retrouvait sans avenir… Peu après ce coup de colère, elle rencontra à Bruxelles lors d’un bal masqué le Prince de Ligne à Bruxelles. Elle en tomba amoureux et en devint enceinte ! Le 22 décembre 1864, Sarah donna naissance à son enfant unique, Maurice.

Ce jour fut sans doute le plus important de sa longue vie car l’amour de Sarah pour son fils éclaira toute son existence. Le père de l’enfant ne put ou ne voulut se marier avec Sarah mais lui paya une pension. Sarah, qui avait peut-être espérer fonder une véritable famille, surmonta sa déception et se résigna alors de calquer sa vie sur celle de sa mère. Elle prit possession d’une demeure plus grande où elle commença à tenir un « salon » qui remporta un certain succès. Mais après quatre ans, lasse de cette vie, elle finit par demander à Camille Doucet qui fréquentait le salon de sa mère et, qui était, rappelons-le, Directeur de l’administration des théâtres au ministère de la Maison de l’Empereur, d’user de son influence pour qu’elle retrouve un emploi de comédienne. En  1866, elle est finalement engagée au théâtre de l’Odéon

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Une femme engagée

En ce terrible mois de janvier 1870. Il faut bientôt mettre les blessés à l’abri des tirs en descendant les lits dans les caves. Mais le froid devient tellement intense que les canalisations d’eau éclatent. Il faut abandonner l’Odéon. Sarah trouve alors un vaste d’appartement rue Taitbout pour abriter ses blessés. Paris capitule le 28 janvier 1871. Sarah a dirigé son hôpital de fortune pendant plus de trois mois.

Sarah est patriote mais elle est aussi scandalisée par l’injustice. Dans l’affaire Dreyfus, c’est elle qui va demander à Zola d’user de sa notoriété pour prendre position dans le débat. Après que Zola eût écrit l’article « J’accuse » Sarah se montrera pleine de reconnaissance pour l’écrivain. L’attitude de Sarah est courageuse, son intervention en faveur de Dreyfus lui amènera pas mal de déboires puisque les antidreyfusards vont jusqu’à crier des insultes durant les représentations de la pièce « Les mauvais bergers ». On se bat même dans son théâtre au point que la police ordonnera sa fermeture pour quelques jours !

Mères de France (Mothers of France) / La vie en 1917

https://youtu.be/J7XwxHpMLWk

Sarah sculptrice

Dans « Britannicus », qui obtient un très grand succès et tombe en pamoison devant son partenaire dans cette pièce, le grand et bel acteur  Mounet-Sully !  Cette liaison ne durera cependant pas plus d’une dizaine de mois car Sarah désire par-dessus tout se garder indépendante.

 « Après la tempête« , Sculpture de Sarah Bernhart

La comédienne compense alors son insatisfaction  par l’apprentissage de la sculpture. Elle réalise notamment une œuvre qu’elle  présente au Salon de 1876 et dont elle est très fière. On n’en sera pas étonné de sa part, cette sculpture, nommée  « Après la tempête » symbolise la tragédie de la vie humaine sous la forme  d’une vieille femme de pêcheur mourant de chagrin pour avoir  perdu tous ses fils et même un petit-fils en mer.

Sources

La divine : le roman de Sarah Bernhardt / Michel Peyramaure

Sarah Bernhardt, Philippe Jullian

Muséographie Sarah Bernhardt : La dame de Belle-Ile

Ma double vie, mémoires de Sarah Bernhardt

http://www.1914-1918.be/sarah_bernhardt.php

21 commentaires

  1. Alan,
    Quel article pour une si Grande Dame !
    Je prends toujours le même plaisir à te lire, tes articles sont documentés, passionnants et bien écrits !!
    Sarah Bernhardt est un mythe, son fantôme plane sur toutes les scènes du Monde.
    Ce qui me fascine c’est son énorme personnalité, c’est même une héroïne des temps modernes, car déjà à son époque elle n’hésitait pas à créer le buzz autour d’elle « comme on dit ».
    Il ya deux ans j’ai fait un exposé avec ma fille pour l’école sur Mucha, et j’ai découvert leur collaboration artistique.
    Elle admirait ce grand artiste et elle lui demanda de travailler pour elle, ce qu’il accepta.
    Il dessinait les décors, les meubles, les bijoux, les costumes de Madame Sarah Bernardt
    Le document avec Sacha Guitry est croustillant, tu as vu le génie du comédien ?
    Il est très fort et sans forcer…
    Merci beaucoup Alan
    J’ajoute que ton article est beau, tes illustrations et les documents choisis contribuent à la qualité de tout l’ensemble 😉
    Bon dimanche

    Aimé par 2 personnes

      1. Pas si grande😂🤣1m60 de muscles et de rires, et ma fille qui me dépasse !!!
        Sarah Bernardt, tu te rends compte cette histoire avec sa jambe, je pense que son pansement à ce quotidien de douleurs et de handicaps c’était le public et toute vénération qu’elle suscitait dès qu’elle entrait sur scène…
        J’adore la phrase à la fin sur le pardon, c’est excellent !!

        Aimé par 2 personnes

      2. Ce « Quand même » il y a de la force, et de la détermination dans cette maxime/devise, je crois que lorsque tu sais que tu as trouvé ta place, que tu es à ta place, plus rien ne peut t’arrêter.
        Merci pour le « Je me quitte », ça aussi c’est du lourd …

        Aimé par 1 personne

  2. Merci Alan pour la présentation bien documentée de cette personnalité hors du commun.
    C’est un personnage que je connaissais peu, et ton post m’a appris bien des choses à son sujet.
    J’aime beaucoup son idée d’haïr peu car c’est fatiguant.
    Ce fut une dame bien mystérieuse malgré sa notoriété.

    Bien à toi

    Ben

    Aimé par 1 personne

    1. Merci pour ton commentaire Ben. Je pense que la clef vient de sa confrontation très précoce avec la mort et la maladie dans son entourage proche qui a été, je pense, un déclic pour vivre intensément chaque moment en combattant toutes les critiques ou opinions négatives sur sa façon de mener sa vie. Elle créa le concept de la star avec bien entendu tous les caprices qui vont avec. Voir article sarah, une dame blanche au paradis, belle île. Je retiens d’elle une passion hors bornes pour la vie avec un courage exemplaire que ce soit pour elle (elle continuait à jouer au théâtre amputée et malgré la douleur) et pour ses proches malades ou mourants, pour les soldats pendant la guerre. Ce fut une dame complètement habitée par ses rôles au point de cracher du sang à la fin de certaines représentations. Une dingue quoi, entière et passionnée.
      Bien à toi
      Alan

      J’aime

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