C’est en 1894 qu’elle vient à Belle-Île pour la première fois. Son ami, le peintre Georges Clairin, lui en a tant parlé qu’elle se décide enfin à l’accompagner, alors qu’elle a 50 ans. Succombant aux charmes des lieux et au panorama, elle s’offre immédiatement un ancien fort militaire au milieu de la bruyère, à la pointe des Poulains.


Outre les deux villas qu’elle fera construire par la suite, Sarah Bernhardt fait aménager des jardins composés de diverses plantes : des iris, des jonquilles des roseaux et des pervenches. Grande sportive, elle fait également construire un court de tennis. Elle offre à ses plus prestigieux invités, au nombre desquels le roi Edouard VII d’Angleterre, une succession de fêtes et de soirées animées, au milieu de ses extraordinaires animaux de compagnie.

Très sensible aux difficultés quotidiennes des Bellîlois au début du XXème siècle, la « Bonne Dame de Penhoët » (comme l’appelle affectueusement la population) finance une boulangerie coopérative : « l’Oeuvre du pain pas cher ». En 1922, l’actrice qui voulait finir ses jours dans ce qu’elle appelait son paradis, sera contrainte de vendre. Elle décédera en mars 1923, quelques mois après ses dernières vacances au fort que l’histoire lui a finalement restitué. L’actrice qui souhaitait être inhumée sur un rocher près de sa résidence l’a été finalement au cimetière du Père-Lachaise…

La dame aux caméléons
Les animaux de Belle-Ile avaient un haut degré d’existence parmi la Petite Cour. Aux écuries, étaient hébergés des chiens, les chevaux Cassis et Vermouth, à l’usage du break, Pélagie, la jument réservée à la charrette d’Emile, et deux chevaux de selle. La bergerie comprenait une vingtaine de moutons que l’on tondait pour tisser une étoffe d’un blanc tirant sur le chanvre. On essaya en vain l’élevage du mouton pré-salé, si bien que le troupeau passa de vingt têtes à trois ou quatre que ma grand-mère put déclarer à l’inspecteur des impôts comme ayant un rôle purement décoratif. A la ferme, où nous allions fréquemment en promenade, il y avait également une basse-cour de poules, des lapins, des cochons, des pigeons. L’étable abritait quelques vaches. Quant au taureau, depuis le jour où il avait chargé dans un pré Louise Abbéma vêtue d’un coquin veston de toile rouge, on le changeait de pâturage selon les buts de nos promenades.
« Nous avons vu débarquer cet été, à Belle-Île, quelques rescapés d’une arche de Noé : un aigle, cadeau d’un proche parent du tsar, un lynx originaire d’Amérique du Sud, en enfin un boa venu je ne sais d’où, auquel on a dû donner un porcelet pour qu’il se tienne tranquille durant la traversée. Sarah s’en sert comme d’un pouf pour reposer sa jambe malade. L’inconvénient, c’est qu’il adore les coussins et les dévore comme de la salade. Le jour où elle a envisagé l’acquisition d’un rhinocéros, nous avons, Suzanne et moi, ourdi un complot pour l’y faire renoncer »
Toutes ces bêtes devaient voir arriver les animaux sauvages que « Great » avait l’habitude de choisir comme compagnons familiers avec un peu d’effarement. On comprend que la population de Le Palais ait trouvé que notre débarquement au début de chaque été ressemblait à une ménagerie. Elle a toujours éprouvé une sorte de fascination pour les animaux exotiques. Elle a ramené d’Amérique du Sud d’étranges bestioles qui n’ont pu survivre au climat européen, ainsi qu’un crocodile qui, lui non plus, n’a pas fait long feu boulevard Péreire, mais pour d’autres raisons : mis en appétit par les gambades du chien, il l’a dévoré. On a dû l’abattre d’un coup de feu. La dépouille empaillée de la victime trône dans le salon. Elle dit en la montrant : « C’est le tombeau de Minuccio… »
« Cette année-là, en Amérique du Sud, après une partie de chasse aux crocodiles mouvementée, ma grand-mère rapporta un bébé crocodile dont on lui avait juré qu’il allait dormir pendant des mois. C’était sa période. L’animal, bien empaqueté, arriva à Belle-Ile. On défit le paquet. L’un des petits chiens se mit à aboyer sous le nez du crocodile endormi… qui ouvrit la gueule et l’avala en une seconde. Pitou tua le crocodile d’un coup de fusil. On l’empailla, en guise de tombe pour le petit chien, et on l’accrocha au mur du vestibule » . La petite fille de Sarah
Sarah avait acheté, toujours en Amérique du Sud, un énorme boa qui, toujours selon l’affirmation du marchand, s’était alimenté depuis peu et endormi pour plusieurs mois; elle l’avait fait transporter à Belle-Ile pour le mettre dans le salon et, prétendait-elle, «poser ses pieds dessus après le dîner». Mais quelques jours après son arrivée, pendant qu’on jouait aux dominos, le boa se réveilla avec une faim atroce ouvrant une gueule effrayante et gobant un à un tous les coussins du canapé. Sarah eut à peine le temps de saisir son revolver et de tuer le monstre: «de le tuer, de le tuer, là, là, au milieu des coussins!», ah! il fallait l’entendre raconter ça!
Quant à nous, les enfants, nous nous contentions amplement des lézards. Nous avions chacune notre «écurie»; les petits sauriens attachés par deux ou trois à des fils de soie vivaient une journée sur nos maigres poitrines; le soir, nous leur rendions la liberté et recommencions le lendemain… Un été, alors que les aménagements du parc s’achevaient, Great fit venir de Paris des poissons rouges et 5000 grenouilles dans des caisses pour nous ravir de leur coassement dans les cascades du jardin. Quelle pagaille quand nous avons voulu les jeter dans les bassins! Il fallut courir toute la journée pour rattraper les fugitives et les remettre à l’eau. »
Source : Muséographie Sarah Bernhardt : La dame de Belle-Ile, communauté de communes de Belle-Île en mer
« M. Cross me fit cadeau de six caméléons de petite race, ressemblant à des lézards, et d’un admirable caméléon, animal préhistorique, fabuleux, un véritable bibelot chinois passant du vert tendre au bronze noir, svelte et allongé comme une feuille de lis et soudainement gonflé et trapu comme un crapaud. Ses yeux, en lorgnettes comme ceux des homards, ne dépendaient pas l’un de l’autre. Il jetait l’œil droit en avant et l’œil gauche en arrière.
Je fus vite ravie, enthousiasmée, de ce cadeau. J’appelai mon caméléon « Cross-ci, Cross-ça », pour honorer et remercier Mr Cross. Nous revînmes à Londres avec le guépard en cage, le chien-loup en chaîne, mes six petits caméléons en boîte, et « Cross-ci, Cross-ça » sur mon épaule, retenu par une chaîne d’or que nous venions d’acheter chez un bijoutier. » Sarah Bernhart
Plus tard elle eut un lionceau dans une cage située dans l’escalier. Mme Guérard l’avait suppliée de ne pas l’acheter, il sentirait mauvais. Sentir mauvais, le roi des animaux ? Jamais ! Une heure après son arrivée une odeur ammoniacale s’installait dans la maison. Sarah parut ne pas s’en apercevoir, puis au bout d’une semaine elle donna l’ordre de renvoyer le lion.
Source : Sarah Bernhardt, Philippe Jullian
Mais c’est énorme, quelle ménagerie, j’en suis toute retournée…
Là quand même ça sent le caprice de star à la Mickeal Jackson
Cette arche de Noé, quelle aventure improbable, tu te rends compte du délire ?
le coup du boa, du « crocrodile », et du lion sèchement répudié !!
J’apprends plein de choses, et tu sais que j’adore ça
merci beaucoup, j’avais vu un documentaire sur cette demeure mais je ne connaissais pas ce délire autour des animaux .
le site est somptueux…
Bises Alan
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Ouais. C’etait un cas quand même. Une sorte d’enfant qui se gâte de délires. C’est à mourrir de rire et flippant en même temps. 🤣
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C’est ça c’est à mourir de rire, j’aurais pas aimé travailler à son service sur l’île…elle devait être impossible à vivre🤣
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Pas si sûr car elle était aussi simple et respecteuse avec les gens du coin qui l’aimaient. Elle était brutale avec les gens trop arrogants. Ex: « madame bernhart depuis que vous faîtes du théâtre, c’est tout de même étonnant que vous ayez encore le tract ». Reponse de Sarah. » Ça vous arrivera peut-être un jour, si un jour vous avez du talent ». Pan dans ta tronche 😥
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Merci pour ce superbe article Alan , très complet et interessant Belle fin de soirée😘🌹
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Article très intéressant, d’autant plus que je n’avais pas pu visiter le musée. Voilà qui est réparé grâce à toi. Merci !
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Merci à toi
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Merci Alan pour cet incroyable article.
Les habitants devaient vraiment la trouver étrange avec tous ces animaux exotiques.
Je pense qu’elle était un peu mégalomane. Cette collection d’animaux sauvages m’évoque un peu celle de Pablo Escobar, qui lui avait transformé sa propriété en une espèce de zoo.
Je te souhaite une belle journée
Ben
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J’imagine la voir débarquer avec ses nombreuses malles et ses animaux exotiques au port du Palais et les réactions des bellilois. Mais elle savait rester simple avec les gens du coin. Elle a été la bonne dame de Penhouët qui a financé une boulangerie coopérative et évité aux illiens une crise alimentaire majeure.
Belle journée cher Ben
Alan
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