Carte postale confinement 3 / île de Houat

A la barre de « Spirit », j’ai la curieuse sensation d’être en communion avec un être marin, une sorte d’hybride mi cétacé mi-oiseau. Parfois j’ai l’impression que c’est lui qui me mène, ce qui est un peu vrai. Mais sans une main souple et sans un cap, il se perdrait et finirai seul, ballotté par les vagues et les courants. J’aime naviguer au près serré à 30-40° du vent avec le voilier qui gîte et qui glisse en jouant avec les vagues, une sorte d’osmose entre un équipage et un océan. Je repense à ces mesures de confinement qui parfois m’interrogent. Je me met à rire tout seul en pensant que je pourrais contaminer des milliers de poissons et qu’il serait judicieux de leur faire porter un masque, étanche, bien évidemment ;).

« Le fugitif » arrive au passage du Béniguet. je passe entre les balises de Bonnenn Bras, vire à celle du rouleau et me dirige vers une crique très abritée que je connais bien. Avec un vent modéré et cette mer calme, je vais pouvoir jeter l’ancre et faire une pause. à l’abri des regards. Cette île est magnifique aujourd’hui. Avoir ce ciel bleu et ce soleil au mois de Novembre, quelle chance!

Ici à Houat, l’eau avec sa couleur bleue turquoise et les étendues de sable donne parfois l’impression, avec cette si belle lumière, d’être dans un véritable lagon. Je profite de ce moment présent, de ce merveilleux spectacle que me donne la nature pour déjeuner dans le cockpit, en savourant un bon verre de Malbec. Quelle liberté! Je la chérie plus que jamais en ces temps maudits. « Homme libre, toujours tu chériras la mer ». Sacré Baudelaire ou Baudelaire sacré !

Ne pas s’arrêter en si bon chemin. Je lève l’ancre et après plusieurs bords me dirige vers le fort d’En Tal (*), ce bâtiment militaire du 19e rénové par May de Fougerolles et transformé en chambres d’hôtes. « Spirit » étant un voilier dériveur intégral, je le glisse avec douceur sur la plage et l’amarre provisoirement, le temps de faire quelques pas sur ce sable fin. Je m’assoie un long moment sur un rocher, les yeux contemplant toute cette merveille. Puis, lentement, je prends l’aussière de mon voilier comme on saisie les rênes d’un étalon blanc prêt à en découdre avec l’océan. Le voilier glissé face au vent, un vif coup de moteur et l’aventure repart, direction Hœdic où je compte passer la soirée avec un bon alibi… ;). A bientôt. Alan

https://vimeo.com/243863651

Autre superbe vidéo à voir sur Viméo https://vimeo.com/309632054 réalisé par Gaêl Arnaud https://vimeo.com/gaelarnaud

(*) Le Fort d’En Tal

Suite à un regain de tension avec l’Angleterre sous Louis-Philippe, la commission mixte de défense des côtes de 1841 établit un plan cohérent et ambitieux de construction d’une multitude de batteries disséminées tout au long des côtes de France. Ce corps de garde modèle 1846 n°1 en est l’application la plus tangible. Aujourd’hui bien entretenu dans son état d’origine, il est l’un des plus représentatifs des réduits de batteries de côte, construits à plus d’une centaine d’exemplaires selon les plans types élaborés en 1846. Ici, le plus grand des trois modèles à un seul niveaux de locaux. L’inspiration médiévale est saisissante. Construit pour faire face aux Anglais en cas de conflits, ce bâtiment militaire n’aura finalement jamais servi, les relations s’étant pacifiées. La batterie est déclassée à la fin du XIX ème siècle et revendue.

Construite en 1857, cette batterie doit pouvoir accueillir 6 pièces d’artillerie, 3 canons de 30 et trois obusier de 22. le réduit pouvant abriter 60 hommes est défendu par deux obusiers de montagne (12) ce qui oblige le renforcement des voûtes et maçonnerie pour résister à l’ébranlement des tirs. Pour le dissimuler, des mètres cubes de sable sont remués pour former un épaulement en forme de carré étoilé. La batterie interdit un débarquement sur les plages nord et est sur 180 ° et croise ses feux avec le Fort central et la batterie du Beniguet.

Une histoire familiale

Ce fort a été rénové par May de Fougerolles et transformé en chambres et table d’hôtes. Son arrière-grand-père, après l’avoir loué plusieurs saisons, finit par l’acheter en 1918. Le fortin devient alors une maison de vacances pour ce vendeur de vins basé à Vannes et passionné de yachting. Ses trois enfants ont l’habitude d’y passer tous les étés. Celle qui deviendra la grand-mère de May en fait partie. Cette proximité avec la mer la poussera à faire des régates, hobby assez rare encore pour une femme dans les années 30. Celle-ci emmène à son tour en vacances ses cinq enfants dans cet édifice sans eau ni électricité, puis ses petits-enfants. May y passe donc toutes ses vacances. Plus tard, alors qu’elle est devenue régisseuse lumière à Marseille, le fort revient dans sa vie. Une grand-tante, qui détestait Houat, souhaite vendre ses parts. May ne souhaite pas que le fort soit vendu et se prend de passion pour cette propriété. Elle a tout fait pour lui, jusqu’à passer deux CAP de plomberie et d’électricité pour le rénover. Le fort est en mauvais état, bien qu’il ait été raccordé à l’électricité en 1973 et à l’eau en 1995. Quand il pleut, il y a jusqu’à 11 bassines dans le salon !

​« Pour moi, le fort, c’est comme une personne. C’est une entité. Je suis possédée. Du jour où j’ai débarqué à Houat, je n’ai eu en tête qu’une idée : le rénover et en faire quelque chose. J’ai saoulé tout le monde avec ça. » / May de Fougerolles

Le fort, qui devait loger à la base 60 soldats, a été transformé en cinq chambres d’hôte de différentes tailles. Elles ont été ouvertes en 2012 à la location, de mars à novembre, et May fait table d’hôte en dehors de la pleine saison. Le bâtiment en entier peut également être loué pour des réceptions. Les prochains chantiers du fort se feront avec avec une perspective écologique avec l’installation de chaudières à granulés et d’une mini-station autonome pour l’assainissement.

17 commentaires

  1. Alan,
    C’est un festival !!
    Tes cartes de confinement sont des gourmandises, moi qui adore la mer je suis comblée…
    Je remercie Spirit, comme il doit avoir fière allure, c’est un peu ta Rossinante, il t’accompagne pour mieux affronter les vents contraires et les contrôles inopinés d’attestation…
    Il y a des lumières incroyables dans tes films et images, il est beau ton pays, La Bretagne c’est vraiment canon !
    Merci de nous faire ce cadeau, je t’assure que je fais bon voyage et que j’ai confiance dans le marin.

    Surtout , ne perd pas ton crayon effaçable 😉
    donne des nouvelles
    Bonne journée
    Corinne

    Aimé par 1 personne

    1. Hello Corinne. Je vois l’allusion avec la rossinante 😉 Le cheval de don Quichotte était maigre et efflanqué. Mon « Spirit » est fin mais pas maigre et bien vigoureux. Je me suis bien marré en voyant la vidéo des tontons flingueurs et je me suis dis : elle lit dans mes pensées ou quoi? je vais amener un personnage dans l’épisode d’Hoedic qui a une sérieuse similitude avec les tontons 😉
      Bonne journée
      Alan

      Aimé par 1 personne

      1. C’était surtout pour comparer ton épopée à celle de Don Quichotte, j’adore ce personnage il est plein d’idéal et d’humanité.
        Je ne veux surtout pas que Spirit se vexe, il a un très joli nom qui impose le respect 😉
        Il me tarde la suite, et très contente que la vidéo résonne déjà dans le prochain article.
        On est connecté, c’est grâce à toi, tes ballades sont très vivantes et dites avec le coeur !
        À bientôt
        Corinne

        Aimé par 1 personne

  2. Alan,

    tu me régales avec cette île merveilleuse. J’ai eu le plaisir de dormir dans le fort des Glénans, Mais nous étions nombreux à être là pour faire de la voile. Aux Glénans aussi, le lagon avec les algues luminescentes.

    Tu me donne fort envie d’aller y faire un saut. J’ai déjà été à Belle-Isle, et à l’époque j’aurais voulu emmener la famille à Houat et Hoëdic, mais c’était compliqué. J’avoue que le projet peut être remis en haut de la pile. Passer un peu de temps au fort de Houat nous ferait du bien.

    Voir cela lorsque les contraintes sanitaires seront du passé…

    Belle journée Alan.
    Amitiés,
    Régis

    Aimé par 1 personne

    1. Salut Régis!

      Au dessus de la pile! 😉. Merci pour ton commentaire. Je te conseille de réserver dès maintenant car ça va être pris d’assaut après la troisième ou quatrième vague.
      Cet endroit est magnifique. Houat est particulière. Quand il y a un ciel bleu et c’est fréquent là bas, l’eau est sublime, transparente et turquoise. J’ai hâte d’y retourner avec un vrai « Spirit ». Je scrute en effet un voilier, au plus tard pour cet automne.
      Très belle journée à toi
      Alan

      J’aime

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