Rêve prémonitoire ? / Larguer les amarres (1) / Alan Mabden

Il faisait froid dehors. Malgré le vent glacial, je l’ai vue défiant le temps et les certitudes sur la plage noyée dans la brume, son cœur rempli d’espérance pour un nouveau monde, un nouveau cap vers l’envie. Elle me sourit, les yeux fatigués et pourtant plein d’étoiles. Elle déposa dans un soupir radieux son sac à bord du zodiac, comme un lourd passé qui se change en avenir. Le hors bord électrique propulsa lentement l’annexe vers notre voilier perdu dans le brouillard et grâce à la lueur de la lampe tempête laissée sur la bôme, nous nous laissions guider pour retrouver notre futur compagnon de route. J’amarrai le pneumatique et Anna se hissa à bord. A mon tour, après avoir déposé ses affaires, je la rejoignis dans le cockpit ou je l’accueillais longtemps dans mes bras, le cœur battant. Je savourais ce moment, cette union, ce commencement d’une aventure. Nous nous sommes assis près de la barre à roue, volant de notre nouveau destin. Enfouis dans les coussins et les plaids, nous défions le froid, les mains réchauffées par nos mugs brûlants. La lampe tempête se balançait comme nous du temps qui passe. Sa lumière éclairait notre espoir, notre union. Pas besoin de selfie pour saisir ce moment. Notre mémoire s’en souviendra et pour longtemps. Il est rare de partir pour de bon, de changer si radicalement de voie. Passer d’un monde sédentaire à une vie de voyage n’est pas le fruit de la seule envie. Nos motivations étaient profondes. Nous étions deux pirates de l’existence cherchant un nouveau sens à la vie, un nouveau cap pour demain.

Les nouvelles n’étaient pas bonnes. La police contrôlait les villes et la côte. En raison de l’épidémie, les mesures étaient draconiennes et les sanctions sévères. Heureusement pour nous, il y avait peu de risques à cet endroit isolé mais il fallait nous méfier, même à cette heure improbable.

Le temps n’étant pas propice à faire durer ce moment, nous décidâmes de rentrer à l’intérieur. Le carré nous enveloppa de la chaleur du Reflex 66, notre petit poêle marin. Là, dans cet espace décloisonné, nous apprécions le charme du bois, le confort des gros coussins et la vue sur la grand lit breton à l’avant. A l’entrée sur bâbord une petite cuisine nous offrait tout le nécessaire pour être de vrais Cook. Sur tribord, la table à cartes et son panneau de contrôle. A cet endroit stratégique, nous déciderons de notre cap et nos instruments auront « l’œil » sur notre sécurité. A l’arrière, deux portes nous donnent accès, l’une à notre petit et indispensable cabinet de toilette, l’autre à une cabine. Elle sert au port pour dormir ou s’isoler mais en mer fait office de rangement pour le bazar.
Après avoir coupé le chauffage, nous nous sommes lovés dans les duvets recouverts par une grande couette, bien calés dans les oreillers de notre lit breton. Spirit, notre voilier, s’endormait pour une courte nuit, solidement amarré à la bouée du corps mort de notre petit repère breton, pendant que sur le pont, Ouaf, notre sentinelle, veillait sur l’équipée.
A trois heures du matin, le réveil sonna le départ pour la grande aventure. La météo nous confirmait un vent léger, force 2 avec une très mauvaise visibilité, confirmée par une brume à couper au couteau entourant le navire. Le risque était mesuré et j’avais même attendu ces conditions particulières depuis deux semaines avant de dire à Anna de me rejoindre…

A suivre…

©Alan Mabden, tous droits réservés / Vendredi 1er mai 2020 / Pigraï’s Flair – la culture a du sens

8 commentaires

  1. Merci Alan, et bravo pour ce beau texte.
    Ton talent d’écriture nous transporte avec efficacité dans l’univers de ton imagination. On a hâte de s’embarquer dans la suite de ton récit.
    je te souhaite une excellente journée
    Benjamin

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    1. Merci de nouveau Ben pour tes remarques positives et constructives . J’ai de bonnes idées pour la suite mais je ne veux pas fermer le récit tout de suite. Faire confiance au lâcher prise et à l’imaginaire. Très bonne journée à toi.

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