Il avait en fait juste 50 ans d’avance, celui que l’on nommait « Le vieux professeur »! Il fut le premier candidat à l’élection présidentielle française en 1974 à prôner une orientation écologiste de la société. Celui que l’on désignait comme un vieux fou était juste un sage, un visionnaire, le père de l’écologie politique française. Son livre « L’utopie ou la mort » abordait avant l’heure l’effondrement que nous allons vivre. Lui qui, comme beaucoup d’autres, croyait à la fin de la seconde guerre mondiale au modèle productiviste avec de bonnes intentions (vaincre la fin dans le monde) et même au corporatisme agricole a modifié radicalement son point de vue en constatant les dérives de ce modèle agro-alimentaire. Écoutez attentivement cette courte vidéo (7 mn). Nous sommes en 1974! Qui était fou? Nous n’avons plus 50 ans devant nous pour réagir… Alan
Biographie
René Dumont naît en 1904. Son père était professeur d’agriculture, son grand-père agriculteur et sa mère agrégée de mathématiques était directrice du collège de jeunes filles d’Arras durant la 1re guerre mondiale.. Il suit des études d’agronomie à l’Institut national agronomique et devient ingénieur agronome de l’Institut national agronomique (INA). A la fin des années 20, il se spécialise en agronomie tropicale et part en 1929 pour le Vietnam (le Tonkin) où il ne restera que trois années, en désaccord avec l’agriculture coloniale qui ignore les techniques agraires locales traditionnelles. A son retour, il devient professeur à l’Institut national agronomique où il crée en 1953 la chaire d’agriculture comparée (1933-1974) puis à l’Institut national agronomique Paris-Grignon (INA P-G). Parallèlement à cette carrière universitaire, René Dumont s’investit en politique à travers le Commissariat général du Plan à la fin de la guerre. Il y développe les théories d’une agriculture productiviste puis s’intéresse au combat contre la faim dans le monde.

Du productiviste à l’écologiste
René Dumont a commencé sa carrière en soutenant le modèle agricole de l’époque, basé sur l’utilisation des fertilisants chimiques et sur le machinisme agricole. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a même écrit des articles dans « La Terre française », hebdomadaire contrôlé, comme toute la presse française, par le gouvernement collaborationniste du Maréchal Pétain et prônant le corporatisme agricole. Toutefois, il a été un des premiers à dénoncer les dégâts issus de la Révolution verte et à lutter contre l’agriculture productiviste. Il fut un expert aux Nations unies et à la FAO. Grand voyageur, il était spécialiste des problèmes du monde agricole dans les pays sous-développés. En 1974, âgé de 70 ans, il se présente comme le premier candidat écologiste à l’élection présidentielle. Il décède en 2001.
Il a publié de nombreux ouvrages, dont L’Afrique noire est mal partie (1962), L’Utopie ou la mort (1973), Ouvrez les yeux ! Le XXIe siècle est mal parti (1995).

Leçon d’éthique à un agriculteur
Nous étions 15 étudiants ET René Dumont ! Le programme nous a amenés ce jour-là à visiter une ferme modèle, très connue à l’époque pour ses solutions innovantes et sa complexité – un vrai « cas d’école », à ne manquer sous aucun prétexte. Et nous allions passer la journée entière dans ce fleuron de l’économie agricole bretonne. Quelle aubaine ! Eh bien non, nous ne l’avons jamais visitée, cette ferme, car l’éthique fait aussi partie de la pédagogie !

Nous sommes dans la cour de ferme, le car est stationné à l’extérieur et le chef d’exploitation nous reçoit, très honoré de voir René Dumont en personne ! Les étudiants rassemblés autour de lui, l’agriculteur commence doctement sa présentation. Les étudiants ont leur carnet de notes et préparent leurs questions. Moment studieux ! Et voilà que, sans que nous l’ayons vu, un petit homme se rapproche pas à pas du groupe. Il semble curieux de cet attroupement et sourit gentiment. Il s’est si lentement inséré dans le groupe qu’il est passé inaperçu. Il écoute. René Dumont interrompt alors le conférencier et lui dit :
« Avant de continuer, pouvez-vous nous présenter cette personne qui vient de se joindre à nous ? »
« Oh, non, ça c’est rien, c’est mon métayer » !, répond notre hôte.
Silence, dont je me souviendrai toute ma vie. René Dumont est immobile et regarde fixement l’homme. Lui laisse-t-il le temps de se rattraper ? Je ne sais pas. Au bout d’un long moment, il lui dit :
« Ah ? « ce n’est rien, juste votre métayer » ? Eh bien, puisque c’est ainsi, nous n’avons plus rien à faire ici. Adieu, Monsieur ! »
René Dumont fait alors demi-tour et sans un regard pour personne, quitte à grands pas la cour de ferme et retourne au bus. Nous, hésitants et étonnés, le suivons progressivement en marmonnant un « au revoir » un peu gêné.
Je me souviendrai toute ma vie de l’image de cet homme, planté là, au milieu de sa cour de ferme (avec son métayer qui n’avait pipé mot) ahuri, bouche bée… Cette image est une leçon qui jamais ne m’a quitté.
Posté le par Bertil Sylvander (Le salon ardent)
🙏Merci Alan,
et un grand bravo👍 pour ce bel article qui nous fait redécouvrir l’œuvre remarquable de ce globe-trotter de l’agriculture saine.
Il avait effectivement 50 ans d’anticipation sur ce qui se produit malheureusement aujourd’hui. Quel bel exemple, l’anecdote avec le métayer en dit long sur la personnalité engagée de cet homme.
Bien à toi
Ben
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Désolé je t’ai peut-être coupé l’herbe sous le pied. Je t’avais je crois suggéré un article sur lui 😉
En tout c’est dingue de voir le déni humain des réalités!
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J’avais effectivement envisagé un post depuis ta suggestion mais je n’avais encore rien commencé à son sujet.
Je suis bien content d’avoir eu droit à l’article « Personnalité Verte » version Pigraï Flair qui envoie du lourd, AutoJardi n’aurait pas mieux fait.😉
Encore bravo pour ce post.
Ben
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