Stocker du carbone est essentiel pour notre survie. Face à des solutions industrielles compliqués et couteuses, Les solutions vertes ont le mérite d’être simples et économiques. Encore une fois la nature est la pour nous aider si l’on compose avec elle.
Bill Mollison, co-père de la permaculture, « Alors que les problèmes du monde sont de plus en plus compliqués, leurs solutions sont honteusement simples ».
Vers une agriculture du carbone / Source « Prise de Terre » / extraits
L’agriculture produit 10% à 12% des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’origine humaine. Mais, si l’on inclut la déforestation des forêts tropicales (notamment pour produire de l’huile de palme ou du soja) ou l’urbanisation (artificialisation et perte des terres agricoles), ce chiffre grimpe jusqu’à 24%, selon le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Un quart des émissions de gaz à effet de serre ! alors que le terme «agriculture» ne figure qu’une seule fois dans le texte de négociations pour la COP21 de Paris validé à Genève en février 2015 !
L’humus
L’humus est la couche superficielle du sol, créée par la décomposition de la matière organique. Elle est la base de la vie du sol et caractérise sa capacité à retenir l’eau, les éléments minéraux et à lui donner une structure souple et favorable à la vie. Mais l’humus est aussi une chaîne carbonée complexe (58% de carbone organique). C’est d’ailleurs le carbone qui lui confère sa couleur sombre.

Les principaux processus causant des pertes de carbone du sol sont l’érosion et la minéralisation de la matière organique.
L’érosion est de facto induite par la destruction de la couverture arborée, cette dernière permettant une protection contre les aléas climatiques (vent, soleil, lessivage par la pluie, retenue du sol etc), mais dans un second temps par la destruction de toute couverture du sol, qu’elle soit vivante ou morte.
En premier lieu, le labour, ce passage obligé est un massacre à un niveau biologique mais aussi chimique : il peut diminuer la teneur en carbone organique de 10 à 30% en quelques années.
D’autres techniques modernes telles que l’emploi d’engrais chimiques, le chaulage et la non restitution au sol des résidus de culture minéralisent également l’humus, qui disparaît en CO2 (entre autre) dans l’atmosphère. Le taux de matière organique diminuant, son rôle structurant fait de même, entraînant l’érosion du sol etc. C’est ainsi que l’on fabrique les déserts.

Une agriculture à base d’arbres, d’arbustes, de plantes vivaces
Les cultures de plantes annuelles nécessitent un sol nu et donc un labour, nous devrons orienter nos filières et nos modes de consommation vers des cultures pérennes, arbustives et arborées. L’agroforesterie est une étape nécessaire mais est une marche plutôt qu’un but.
Si l’on rajoute à cela un maillage dense et continu d’arbres hors-forêt, tels que des haies mixtes et multi-étagées, des arbres têtards pour le fourrage des animaux, des corridors écologiques reliant différents massifs forestiers, nous sauverons le climat, nos sols, la biodiversité et notre âme (peut-être). Difficile à accepter mais tellement simple à réaliser.
De même pour augmenter les stocks de carbones forestiers, il suffit d’augmenter l’âge d’exploitabilité des peuplements. En effet, plus l’arbre est vieux, plus il stocke de carbone (assez peu dans le jeune âge et dans les taillis).
La matière organique, augmente la qualité du sol, protège aussi l’environnement par la fixation des polluants (tant organiques comme les pesticides, que minéraux, comme les métaux lourds ou l’aluminium) avec, en général, une diminution de leur toxicité.
Le développement très répandu du non-labour aux Etats-Unis explique par exemple le fait que l’agriculture séquestre maintenant le carbone dans les sols. On remarquera le retard impressionnant de l’Europe, mais ces pratiques pourraient se répandre par des politiques d’incitation avec des financements agro-environnementaux et l’application des décisions de Bonn avec la prise en compte des puits de carbone liés à l’agriculture.
Le paillage, l’utilisation d’engrais vert, le non-labour implique un retour de la matière organique et donc du carbone dans les sols.
Le non-labour semble favoriser le développement des champignons qui sont très actifs dans l’agrégation du sol. Et on connaît désormais le rôle fondamental de la fonge dans la bonne santé de nos écosystèmes cultivés.
Dans l’état actuel des connaissances, on peut dire qu’une augmentation de la séquestration du carbone entraîne de fait une augmentation de la biodiversité et un fonctionnement biologique du sol plus efficace (alors qu’ils sont habituellement très bas dans la plupart des sols agricoles cultivés).
Et si… on laissait pousser?
En parlant de solutions honteusement simples, il y en a une que l’humain occidental ne peut même pas concevoir dans son référentiel. Il existe de nombreuses zones « délaissées », improductives dans les schémas actuels d’aménagement des espaces : rien que les accotements de routes (nationales, départementales, communales) représentent 500000 hectares, soit plus que la surface des 7 parcs nationaux! Des sommes colossales et une énergie fabuleuse sont déployées pour les entretenir et « faire propre », alors qu’un calcul au doigt mouillé permettrait à ces zones de stocker pas moins de 30 millions de tonnes de C/ha une fois matures.
En prenant l’hypothèse basse d’un prix du carbone à 30€ la tonne, cela représente une valorisation de pratiquement 1 milliard d’euros. Sans rien faire… Et on ne compte pas ici les talus, fossés, zones humides ou trop pentues qui constituent des réservoirs potentiels gigantesques non valorisés (et non comptabilisés)…
Conclusion
Des solutions simples et applicables partout sont possibles pour réduire de près d’un quart les émissions de gaz à effet de serre, rien qu’au niveau des pratiques agricoles et forestières. Imaginez si en plus on en venait à véritablement parler de sobriété énergétique et remettre nos habitudes de consommations sur la table…
Cette libération de Co2 catastrophique mondiale a certainement commencé avec l’agriculture il y a 10000 ans, mais a pris une autre dimension avec la révolution industrielle et surtout la révolution verte agricole d’après-guerre.
Il ne s’agit toutefois encore et toujours que d’un symptôme différent du même mal : la déconnexion de l’Homme et de la Nature pousse ce dernier a s’acharner à contre-courant des règles universelles du vivant. La branche sur laquelle il est assis étant déjà coupée, il s’active désormais sur le tronc lui-même, impliquant avec lui l’équilibre de la biosphère toute entière.
La permaculture peut aider à créer des systèmes nourriciers s’inspirant des principes de base de la Nature. Des écosystèmes cultivés productifs qui créent du sol et le stabilisent, qui purifient l’eau et l’air, qui accueillent la biodiversité. Des systèmes autonomes où il n’y a pas déchets et pas d’intrants. Bref une solution honteusement simple pour sauver la planète et ceux qui marchent dessus.
Parce qu’on fera toutes les conférences de la dernière chance jusqu’au bout, soyez-en sûrs. Mais en attendant : plantez des arbres.