Pigrai aime Indra pour sa voix envoutante, enveloppante, si particulière, si métissée, mise en valeur par de beaux arrangements jazz et soul.
Indra, qui a reçu le nom du guerrier du Manhattan dans le quartier Lower side est née d’une mère portoricaine, une éducatrice nommée Elizabeth, et un père d’origine africaine-américaine-syrienne, le bassiste jazz Donald Moore, qui a collaboré avec le New York Contemporary Five, Archie Shepp, Elvin Jones, Sonny Rollins et Jackie McLean, entre autres. Indra grandit dans un quartier difficile où, adolescente, elle fréquente l’univers imaginaire constitué de l’imposante discothèque de sa mère, avec pour compagnons des musiques jazz, soul, et rock.

“Si vous marchez vers votre ultime bonheur, il médite avec vous, parce que ce que nous faisons est au service de la joie.”
Chanter a toujours été une expérience très privée pour Indra, mais lorsqu’elle a treize ans sa mère va la convaincre qu’elle devra passer une audition et entrer au Mannes College of Music ; malgré ses inhibitions, Indra chante et elle obtient une bourse d’études. Au Mannes College elle travaille sa voix soprano, et pendant sa première année elle fait partie de Village Harmony, un camp d’été au nord du Vermont. Avant d’avoir vingt ans elle vit dans une existence musicale parallèle, un univers double rempli d’une part d’airs classiques et de vocalises, et d’autre part, dans la forêt du Vermont, de mélodies traditionnelles américaines et de chansons folk qui viennent des Balkans.
C’est lorsqu’elle travaille comme serveuse dans un bar à vins à Brooklyn qu’elle rencontre le Danois Benjamin Traerup, un saxophoniste de jazz ; il suffit de trois semaines pour qu’ils décident de vivre ensemble, et un plus tard ils se marient et s’installent au Danemark. Selon Indra, “Si je n’avais pas été jeune et stupide, jamais je ne serais partie vivre au Danemark ; mais je suis tombée amoureuse, et je le suis toujours, et donc c’était un choix pragmatique. J’ai mis quatre ans pour apprendre le danois, puisque c’est une langue qui ne tombe pas naturellement dans une bouche américaine. Finalement, nous avons découvert que la créativité naît en partie de nos épreuves.”
Indra, son mari Benjamin, et un ami, le bassiste Thomas Sejthen, forment un trio qui ne tarde pas à trouver un public fidèle, d’abord au Danemark et ensuite dans toute la Scandinavie. Leur premier album, Indra, reçoit une nomination aux « Danish Music Awards » en 2010 comme Meilleur Album Jazz Vocal. Pour Indra, une relation musicale étroite est essentielle au son que le groupe veut créer : “Notre constellation scénique n’est pas ‘moi toute seule devant’ ; on se tient dans un petit U, et à tout moment il n’y a pas plus d’une longueur de bras pour nous séparer. C’est ce ressenti que nous avons voulu figer en enregistrant Heartland.”
Les « Danish Music Awards » encore… En 2012 Indra remporte le prix du Meilleur Album Jazz Vocal avec In Between, son deuxième disque, et ses pensées tournent déjà vers l’album qui le suivra. Parmi ses disques préférés, Indra cite l’album de Joni Mitchell, Turbulent Indigo (1994) ; elle contacte donc celui qui l’avait réalisé, le producteur Larry Klein, pour voir s’il lui sera possible de recréer la même magie en studio à l’occasion de son nouveau projet. Elle lui envoie un email en lui confiant ses espoirs et ses idées, avec un lien pour sa musique, et la réponse est immédiate : Klein est intéressé. Mais avant de pouvoir aller plus loin, deux choses se produisent : Indra et son mari ont un premier enfant, un fils, et en même temps ils perdent un proche, décédé d’un cancer.